Vous êtes ici :

Démocratie de la demande versus démocratie de l’offre : reconstruction et interprétation des analogies démocratie-marché

À partir de la distinction entre les analogies catégorielles et les analogies formelles, cet article propose une reconstruction des analogies entre le marché et la démocratie mobilisées par des économistes du 20e siècle, ainsi qu’une interprétation de leurs usages. Cette reconstruction permet de mettre en évidence deux grandes représentations idéal-typiques des processus économiques et politiques véhiculées par le recours aux analogies démocratie-marché. Des économistes considèrent que les résultats des processus économiques et politiques sont ou doivent être essentiellement déterminés par le côté demande du marché, c’est-à-dire par les préférences des consommateurs et des citoyens. Il s’agit d’une vision du monde politique que nous qualifions de « démocratie de la demande ». D’autres estiment au contraire que le système économique et la démocratie sont des processus plutôt pilotés par le côté offre du marché. Au niveau de l’usage positif de l’analogie, nous défendons la thèse selon laquelle la vision en termes de démocratie de la demande est directement dépendante des hypothèses au fondement de l’économie néoclassique, de telle sorte que plus un économiste les met à distance, plus il propose une vision en termes de « démocratie de l’offre ». Les usages normatifs de l’analogie sont en revanche réfractaires à toute caractérisation simpliste.
Starting from the distinction between “categorical” and “formal” analogies, this paper proposes a reconstruction of the analogies between market and democracy as well as an interpretation of their uses. This reconstruction reveals two main ideal-typical representations of economic and political processes conveyed by the use of democracy-market analogies by 20th century economists. Some of them consider that the outcomes of economic and political processes are or should be essentially determined by the demand side of the market, i.e. by the preferences of consumers and citizens. This is a political worldview that we call “demand-side democracy”. Others believe, on the contrary, that the economic system and democracy are processes driven by the supply side of the market. In terms of the positive use of the analogy, we argue that the demand-side democracy view is directly dependent on the assumptions underlying neoclassical economics, so that the more an economist distances himself from them, the more he proposes a “supply-side democracy” view. The normative uses of the analogy are however resistant to any simplistic characterization.
Oeconomia, 12/1, 55-91